insigne 2 Lanciers

La résurrection du

2ème Lanciers

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Intendant Militaire J. de LASSALLE

Au cours des siècles bien des auteurs ont parlé de la lance et des lanciers. Le plus ancien est vraisemblablement Xénaphon qui consacre à l'armcment des troupes à cheval le dernier chapitre de son traité ”De l'art équestre ”. Le dernier eo date est Louis-Marc Battesti qui nous a dormé dans le n° 9 de ”Armes & Uniformes de l'Histoire ” une magnifique rétrospective sur la lance à travers les âges et plus particulièrement dans 1'arrnée française depuis le Premier Empire. A cette remarquable fresque historique, qu'il me soit permis d'ajouter ici une modeste pierre en relatant un fait assez peu connu, bien que relativement récent: la résurrection du 2ème régiment de Lanciers (1942-1945).

Novembre 1942. La Wehrmacht envahit:la France non occupée et pénètre dans les casernes de l'armée de l'Armistice. Là, les Allemands, pour bien montrer que nos soldats désormais ne sont plus des militaires, leur infligent l'une des mesures infamantes prévues au cérémonial de dégradation militaire: le retrait du ceinturon. Mnis l'un de nos généraux ne peut accepter cela, c'est le commandant de la 16ème division militaire: de Lattre de Tassigny. Il quitte son P.C. de Montpellier et se retranche à Saint-Pons de-Thomières où il invite ses troupes à le reJoindre pour un baroud d'honneur. Certains demeurent sourds à cet appel, entre autres le 3ème régiment de Dragons en garnison à Castres, seul régiment de cavalerie de la 16è:me division.

Le 3ème Dragons a obéi à son chef de corps, mais une faille a brisé sa belle unité. Dans les quelques jours qui restent encore à vivre en commun le fossé s'agrandit entre deux clans: d'un côté ceux qui étaient d'accord avec le colonel pour ne pas se lancer dans une folle aventure, de l'autre ceux qui derrière le capitaine Bernard Jouan de Kervenoael auraient voulu se porter à l'action.

Aprés la dissolution du régiment, les deux clans se séparent et s'en vont chacun de son côté former dans le maquis le ”Corps Franc du Sidobre ”, les seconds le ”Corps Franc de la Montagne Noire ”.

À ceux qui ont suivi leur colonel revient légitimement I'honneur de reconstituer le 3é Dragons dans la résistance. Kcrvenoael en a conscience, pourtant il voudrait bien rcster fidèle à son régiment et à l'écusson que ses hommes ont porté avec lui. Alors, il a l'idéc de reprendre le titre de ”2ème régiment de Chevaux-Légers Lanciers ”, puisque telle fut l'appellation du 3ème Dragons de 1811 à 1814.

A cette époque, il y a dans les maquis du Tarn beaucoup de réfugiés polonais, pour la plupart rescapés des 13' et t 4é régiments de Lanciers de la République polonaise. L'apparition d'un régiment de lanciers français soulève leur enthousiasme et beaucoup viennent s'enrôler dans ses rangs car ils veulent voir dans cette création une manifestation d'amitié franco-polo ;aise. Pour ne pas décevoir ces braves gens, le capitaine de Kcrvenoael décide que son maquis va se considérer désormais comme l'héritier du ”2ème régiment des Lanciers Polonais de la Garde ~Impénale ”, celui qui avait le privilège de mettre ses flammes de lance à l'envers: rouge en haut et blanc en bas (le papier à lettres du 2é Lanciers, édité bien entendu après la Libération portera comme en-tête l'écusson du régiment posé sur deux lances en sautoir avec ieurs flammes à l'envers). Une mesure plus concrète vient compléter cette décision: les escadrons reçoivent des appellations évoquant la Pologne et les lanciers polonais. Ier : Marie Leczinska; 2ème Poniatowski; 3ème Sommo-Sierra; 4ème Dresde; 5ème Leipsig; 6ème Poznan. Seul, le 7ème escadron fait exception à la règle et, parce que composé de cavaliers musulmans, reçoit un nom arabe : Djebel Dehem.

Dans la résistance, des raisons de sécurité interdisent uniformes et marques distinctives, mais dès la Libération, le 2' Lanciers se voit doter de deux écussons de bras superposés. L'écusson supérieur est en drap bleu foncé, comme tous ceux de la cavalerie, portant le numéro 2 brodé argent et surmonté de trois chevrons (un blanc entre deux vertes) rappelant par leurs couleurs les régiments où avait servi le capitaine de Kervenoael: 3ème Dragons, 11ème Chasseurs, 17ème G.R.D.I. L'écusson inférieur est pour chaque escadron à sa couleur distinctive sans marque ni attribut.

Affectés à la lre Arrnée française après la Libération, le 3ème Dragons et le 2ème Lanciers y reçoivcnt des accueils sensiblement différents car de Lattre n'a pas oublié novembre 1942 *. Les lanciers sont reçus avec tant d'enthousiasme que les bruits les plus divers vont bientôt courir à leur sujet, on ira jusqu'à dire que de Lattre en a fait sa garde pcrsonnelle et a même réussi à leur trouver des lances pour les sentinelles prenant la faction devant son P.C.

Conter les exploits guerriers du 2e Lanciers nous demanderait infiniment plus de place que nous n'en pouvons consacrer au présent article. Mais de Lattre connaît la spécialité que ces maquisards se sont vaillamment acquise, c'est pourquoi il va transforrner ce corps d'élite en ”Ecole de contre-guérilla et de guerre révolutionnaire”. Sous cette appellation nouvelle, les anciens du 2ème Lanciers continueront à porter l'insigne qu'ils viennent de se donner et que nous reproduisons ci-dessus.

Telle est, très brièvement résumée, I'histoire du dernier régiment de lanciers de l'armée française. Aura-t-il un jour un successeur ? Nous n'osons l'espérer. Il nous semble pourtant que la cavalerie, si attachée à ses traditions, se devrait d'entretenir encore un régiment de lanciers, quitte à le doter de lance-.flammes pour justifier son appellation.

J. de Lassale

(*) Comme vient de le relater notre ami J.C. Dagnas, dans le n 10 de ” Armes et Uniformes”, le 3ème Dragons a été transformé en 12ème, ce dernier étant ie seul régiment de cavalerie dans lequel de Lattre ait servi de sa sortie de Saint-Cyr en 1912 jusqu'à son passage dans l'infanterie en 1915.